Corrosion, rouille et oxydation

rouille

La rouille explication

La rouille n’est rien d’autre qu’une réaction d’oxydoréduction, dont les conséquences sont importantes : Fragilisation des structures exposées à l’eau et à l’air Surconsommation de la production de fer et d’acier : on estime que plus de 15% de la production d’acier ne sert qu’au remplacement de pièces endommagées par la rouille Nécessité de se prémunir par des méthodes actives ou passives dont les conséquences en termes de coût et d’impact sur l’environnement ne sont pas négligeables Le minerai de fer existe presque toujours sous une forme oxydée. C’est son traitement en haut fourneau qui élimine cette oxydation. Mais une fois exposé à l’air et l’humidité, ces oxydes vont rapidement se reformer. Alors comment de si petites molécules peuvent-elles avoir de si grands effets ?

La rouille est une réaction d’oxydoréduction impliquant la molécule de fer (que ce soit dans du fer pur ou un alliage à base de fer), l’oxygène de l’air et de l’eau. Il faut donc que ces trois éléments soient en contact pour déclencher le processus. Quels sont les couples d’oxydoréduction mis en jeu ? Tout d’abord le fer solide qui en libérant deux électrons donne l’ion Fe2+ (Potentiel = -0,44V) Et ensuite la molécule d’oxygène qui avec deux molécules d’eau et quatre électrons donne quatre ions OH- (Potentiel = +0,40V) C’est le second qui a le potentiel le plus élevé et sera la cathode. Le fer jouera le rôle de l’anode.

Une goutte d’eau posée sur un morceau de fer à l’air libre est le lieu idéal pour que cette réaction ait lieu. Le fer joue à la fois le rôle d’anode et de cathode : la partie en contact avec l’eau est l’anode et l’autre partie la cathode. Dans le cas où toute la pièce est couverte par de l’eau, des défauts à la surface, comme de petits trous, vont créer des irrégularités de concentration en oxygène entre les différentes zones. Le fer au fond du petit trou sera en contact avec une eau moins concentrée en ions OH- : l’anode sera le fond du trou, et la surface de la pièce la cathode. La circulation des électrons se fera à travers le fer. La réaction d’oxydoréduction va désagréger une partie du fer en ions Fe2+ qui vont se déposer plus loin sous forme d’oxyde. L’eau en contact avec l’air permet des échanges gazeux, notamment d’oxygène, facilitant la partie de la réaction libérant des ions OH-. L’eau va permettre la circulation des ions. La réaction totale est la suivante : deux atomes de fer, une molécule d’oxygène et deux molécules d’eau donnent deux ions Fe2+ en suspension et quatre ions OH-. Mais la réaction ne s’arrête pas là. Les solutions s’équilibrent électriquement et lui permettent de continuer car les ions Fe2+ et OH- sont tous les deux en suspension. Ils vont s’apparier pour former de l’hydroxyde de fer Fe(OH)2 et éventuellement d’autres combinaisons (FeO, Fe(OH)3 Fe2O3). La rouille est finalement un matériau complexe composé de multiples formes de molécules basées sur le fer.

Tous les métaux rouillent-ils ?

Tous les métaux subissent une oxydation. Ce qui caractérise la rouille c’est que l’oxydation fragilise le support sur lequel elle se forme : les molécules de rouille n’adhèrent pas et la structure s’effrite. Pour d’autres métaux comme le zinc, le plomb ou le cuivre, l’oxydation reste solidaire du support. La couche oxydée protège la structure inférieure en l’isolant de l’extérieur. Plomb et zinc s’oxydent avec une patine gris clair (souvent appelée rouille blanche), alors que le cuivre passe rapidement d’une couleur orangée non oxydée à une couleur verte caractéristique (souvent appelée rouille verte). L’acier dit inoxydable contient une part importante de chrome et de nickel : la couche d’oxyde de chrome qui se forme à la surface limite la circulation des électrons du fer si celui-ci était en contact avec de l’eau et de l’oxygène.

Les bâtisseurs l’ont compris depuis longtemps : tous les métaux ne sont pas égaux face à l’oxydation. Si le fer est très facile à oxyder et fragile une fois rouillé, ce n’est pas le cas du plomb, du zinc et du cuivre que l’on peut admirer sur bon nombre de bâtiments anciens ou modernes.

Les circonstances favorisent l’oxydation

Certaines circonstances peuvent favoriser une oxydation plus importante. Des conditions de concentration d’oxygène différentes entraînent des réactions menant à une pile dire d’aération différentielle : en mer, l’eau en surface, aérée par les vagues et à l’interface avec l’air, sera plus oxygénée que le fond. La partie la plus profonde s’oxyde et se corrode : Objet plongé dans un liquide (bateau, pilier de ponton, etc) car le taux d’oxygène dissout en surface est supérieur à celui vers le fond Tuyau enterré traversant des terrains de compositions différentes qui sont plus ou moins perméables et contiennent donc des taux d’oxygène dissouts La présence de métaux de potentiels différents dans le même électrolyte favorise également l’oxydation du métal le moins noble. C’est fréquemment le cas dans les structures complexes marines : Une plate-forme pétrolière a une architecture composée principalement d’acier, mais dont certaines parties sont faites de métaux différents Les hélices des bateaux sont très souvent en bronze et les coques en acier

Protection contre l’oxydation

Une méthode fréquemment utilisée pour protéger une structure en fer de petite taille, est de la recouvrir d’une couche d’un métal capable de fournir une isolation avec l’extérieur: Soit une fois qu’il est oxydé (Zinc), Soit parce qu’il est plus difficile à oxyder (Chrome). On parle de passivation pour la formation de cette couche d’oxydation (l’oxyde est dit passivant). Dans les deux cas, la couche superficielle isole la structure inférieure des contacts avec l’air et l’eau, empêchant la mise en place de la réaction d’oxydoréduction avec le fer. Cette opération se fait par électrolyse afin d’obtenir une couche homogène. L’acier ainsi recouvert d’une couche de zinc est dit galvanisé. Il est fréquemment utilisé pour les vis, clous et autres objets destinés à être placés à l’extérieur. Pour l’industrie alimentaire, c’est l’étain qui est utilisé. Les boîtes de conserves ne pourraient résister bien longtemps à l’oxydation si elles étaient en fer uniquement. Une fine couche d’étain déposée en surface isole le fer de l’oxydation.

La peinture apporte une protection passive aux surfaces sur lesquelles elle est appliquée. Elle isole le support de l’air extérieur et de l’eau. Il faut toutefois veiller à l’intégrité de la couche de peinture car le moindre interstice permettra à l’oxygène et à l’eau d’être au contact du support et de démarrer la réaction d’oxydoréduction. Le point de rouille initial soulèvera légèrement la peinture autour de lui, permettant à l’oxydation de s’étendre. Pour des éléments constitués de deux métaux différents, il est aussi possible de les séparer par une rondelle isolante à l’endroit de leur contact. Ce cas est fréquent dans les raccords utilisés en plomberie et il faut être prudent en associant des radiateurs en aluminium sur de la plomberie en cuivre : la différence de potentiel est de deux volts ! L’aluminium s’oxydera très rapidement s’il n’est pas isolé. Paradoxalement une fine couche de calcaire sur les parois internes du tube l’isole des contacts directs avec l’eau ! Trop adoucir l’eau peut favoriser le phénomène d’oxydation.

Dès qu’une structure en fer ou un de ses alliages est à l’air libre et soumise à une forte humidité, les risques d’oxydation et de dégradation sont importants. Ces risques sont majorés par la présence d’eau salée qui accélère le processus d’oxydation. Pour des constructions dont le coût est important (ponts, pipeline, plate-forme pétrolière, etc) ou difficile à maintenir (canalisations enterrées, coques de bateau…), des solutions de protection actives sont utilisées. La méthode la plus simple est de relier la structure en fer à une anode d’un métal plus sensible (Aluminium, Zinc, Magnésium,…) pour que le fer ne serve plus à la fois d’anode et de cathode, mais seulement de cathode. Il ne subira alors plus de transformation et gardera son intégrité structurelle.

Cette opération est réalisée systématiquement sur toutes les grandes structures maritimes, les navires, et toutes les canalisations : les blocs de métal ainsi ajoutés à la structure sont appelés anodes sacrificielles car elles vont être détruites petit à petit afin de sauvegarder la structure en fer. Il est aussi possible d’attacher les plaques de fer entre elles avec des boulons en cuivre. Le cuivre étant attaqué en premier, il se sacrifiera pour que le fer conserve son intégrité.

Courant galvanique dentaire

Ce que l’on appelle habituellement « plombage » dans le traitement d’une dent cariée, est en fait un amalgame, mélange de plusieurs métaux (mercure, cuivre, zinc et étain ) mais dans lequel il n’y a pas de plomb. D’où vient cette sensation de décharge électrique qui se produit lorsque l’on mâche par inadvertance un morceau d’aluminium à proximité d’une dent rebouchée avec cet amalgame ? Tout simplement d’une réaction d‘oxydoréduction ! Les potentiels de l’aluminium et des éléments de l’amalgame sont différents et permettent la réaction. La salive est assez acide pour permettre au courant de circuler : elle sert d’électrolyte. L’amalgame sert de cathode inerte (elle n’est pas endommagée) et la feuille d’aluminium sert d’anode : elle perd quelques atomes qui passent sous forme ionisée dans la salive. La sensation de décharge électrique vient du courant qui circule dans l’amalgame (la cathode) et se propage ensuite dans la pulpe et le nerf de la dent : on appelle ce courant un courant galvanique.
Auteur : JD Touly Extrait de son livre "L'Univers dans quelques gouttes d'eau."